Récit d’expédition: Seule en ski et camping d’hiver sur le cratère Manicouagan

Photo par Malie Lessard-Therrien

J'ai passé plusieurs mois à m'entraîner, à préparer le matériel et la logistique, et à déshydrater ma propre nourriture pour l'expédition. Dix jours avant le départ, mon partenaire d'expédition m'a annoncé qu'il ne viendrait pas. Qu'à cela ne tienne, j'ai décidé de tenter l'expérience en solo. Le jour du départ est arrivé et je me sentais prête à partir pour l'aventure. Cependant, la route entre Baie-Comeau et la station Uapishka (lieu de mon départ sur le cratère) s'est déroulée sous la pluie et dans la boue sur la section non pavée. La température était anormalement chaude pour le temps de l'année, comme partout ailleurs au Québec cet hiver.

Je suis partie sur le cratère le lendemain après-midi sous un ciel gris avec plein d'inquiétudes ; des températures trop chaudes pour le temps de l'année, la pluie tombée la veille, la glace, les craquements et les crevasses, la peur d'avoir trop froid en camping, etc. J'ai monté la tente sur l'île à 2 km de mon point de départ, prête à revenir le lendemain si ça n'allait pas.

Le lendemain, comme tout allait bien et qu'il faisait beau, je suis partie vers le nord, entre les îles, pour explorer. J'étais sereine et curieuse. Ça avançait bien sur la glace et la neige croûtée. J'ai fait environ 12 km, une distance que je trouvais raisonnable pour ma première journée complète de ski en tirant un traîneau. Je comptais augmenter le nombre de km parcourus de jour en jour, à mesure que mon corps s'adaptait à l'effort et que la routine du campement devenait fluide. Pendant la nuit, j'ai entendu un craquement sourd qui m'a réveillée. J'ai constaté le lendemain matin qu'une nouvelle crevasse s'était formée près du bord, à deux mètres de ma tente. Heureusement, je dormais sur la berge !

Le troisième jour, rassurée par rapport à mes inquiétudes du départ et enthousiaste pour l'aventure que j'étais en train de vivre, j'ai passé le cap au nord perdant ainsi de vue la baie de mon départ. Ce jour-là, j'ai vu des traces de loups et je les ai entendus hurler au loin le soir avant de m'endormir dans la tente. J'étais au cœur de la boréalie et j'étais ravie.

Le quatrième jour, la neige s'est mise à tomber en abondance. Elle s'accumulait rapidement car il n'y avait pas de vent. J'avançais avec appréhension car je ne voyais plus les craques, fissures et crevasses cachées sous la neige. Je longeais donc la berge pour pouvoir l'atteindre rapidement en cas de pépin.

Le cinquième jour, la neige continuait de s'accumuler. Une neige lourde et mouillée qui collait sous mes skis et ceux de mon traîneau. La progression était très lente et difficile. Je n'arrivais qu'à faire 10 km malgré mes efforts assidus. La neige continuait à tomber la nuit et se transformait en slush en tombant sur ma tente.

Le sixième jour, j'ai mis mes raquettes plutôt que mes skis. C'était plus facile d'avancer dans la neige profonde et pour la traction du traîneau que je trouvais très lourd. Le vent s'est levé tout en puissance. J'avançais souvent avec l'azimut de ma boussole dans le blizzard lors des bourrasques. J'avais le vent dans le dos le matin, mais il a tourné pendant que je mangeais ma soupe du midi. Considérant que je n'avais fait que le quart du tour du cratère en 6 jours et que j'avais 14 jours de nourriture avec moi, j'ai décidé de rebrousser chemin. La neige profonde et collante ainsi que le fort vent de face rendaient ma progression trop lente. J'étais en paix avec cette décision car je n'étais pas dans un esprit de performance. J'étais déjà fière de ce que j'avais accompli avec les conditions du moment et je priorisais la sécurité. Ce soir-là, j'ai monté ma tente parmi les épinettes sur la berge pour tenter de me protéger du vent de 50 km/h.

Le septième jour, j'ai décidé de rester au campement le temps que la tempête passe. La météo annonçait un temps calme, froid et ensoleillé deux jours plus tard. Je reprendrai donc le chemin lorsque cette belle fenêtre météo arriverait. Après tout, puisque j'avais rebroussé chemin, j'avais le temps.

Le huitième jour, il faisait encore tempête et la température avait chuté à -25 °C. Tout mon équipement humide était gelé. J'étais à l'abri dans ma tente, et au chaud avec mes vêtements en duvet, mon sac de couchage et les hot-pocs. En après-midi, j'ai accepté avec joie de me faire ramener par des motoneigistes qui passaient près de mon campement. Ce soir-là, j'ai tellement apprécié la douche chaude et la chaleur du poêle à bois !!

Ce fut une merveilleuse exploration de la section nord du cratère Manicouagan et j'ai déjà hâte d'y retourner pour le découvrir davantage. Je suis déterminée à en faire le tour un jour. Je n'aurai peut-être pas fait le tour cette fois-ci, mais j'aurai repoussé mes propres limites et je serai revenue plus forte de cette expérience !

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